Homélie nuit de Noël

Nous voici à une messe pas comme les autres. Et pourtant c’est aussi une messe.

Et alors que c’est Noël, que nous célébrons la naissance de Jésus, en célébrant la messe, c’est la victoire de l’amour sur la mort qui sera présente, c’est ce que Jésus lui-même avait annoncé en rompant le pain et en faisant passer la coupe à ses amis : autre chose que la tendresse d’une venue au monde, qu’un heureux événement car il annonçait sa mort, et nous le faisons avec lui, forts de sa présence quand nous le faisons en mémoire de lui. C’est cela aussi une messe. En entrant dans cette église quand il fait sombre, j’ai souvent laissé la lumière sur cette belle croix. Et en même temps s’éclairait une station du chemin de la croix. Justement, celle où Jésus est remis dans les bras de sa mère. Quel contraste par rapport à Noël et l’enfant qu’on imagine goûter la tendresse de sa maman. Cela nous rappelle que Jésus est venu pour entrer par son incarnation dans ce que la vie peut avoir de dur et pénible, à l’extrême. C’est vrai qu’un soir de Noël, nous avons traditionnellement envie de dire stop à tout ce qui est contraire à la dignité des êtres humains. Difficile de fêter vraiment si je ramène une note de tragique. Peut-être pas, parce que la naissance du sauveur annonce aussi que le mal n’est pas vainqueur, qu’il y a une réponse des croyants au tragique de la vie. À condition d’accueillir, quand nous fêtons Noël, un invité de choix.

Des invités de choix : de choix, oui, tout naturellement, en redisant à nos proches qu’ils sont importants et que c’est important, chaque année de se retrouver. Noël, c’est cela aussi, c’est marqué depuis notre enfance, un temps où l’on prend le temps de célébrer ensemble la paix, la joie dans un petit monde que les décors de Noël, qui riment avec rituel, rendent porteurs, ils sont signe des retrouvailles et d’un arrêt dans le quotidien avec ce qu’il peut avoir de morose. Même si avec les années, il y a des visages qui disparaissent mais et que les signes de Noël, parfois, les évoquent encore ; c’est pour dire l’importance de ce qui fait une fête comme Noël. Mais demandons-nous comment Jésus, s’il est l’invité que nous accueillons, ouvre cette fête vers l’avenir, ou plutôt ouvre avenir plus humain. Accueillons-nous Jésus ? Je ne pense pas qu’il faut confiner la question dans une évaluation de notre solidarité, de nos dépenses pour la fête ou de notre générosité pour des œuvres de charité qui ouvre Noël à tous. Même si c’est vrai la très modeste étable pourtant accueillante au Fils de Dieu, cela a de quoi interroger les dépenses pour les fêtes de fin d’année. Cela nous rappelle aussi que le Fils de Dieu est prêt à s’adapter à toutes les situations, à ne pas avoir, comme il le dira, de pierre pour reposer la tête. Avec les difficultés à échanger, à nous rassembler, ces derniers mois, conditions sanitaires obligent, nous sentons bien nos difficultés à nous adapter et d’ailleurs, il est plus juste de nous demander ce qu’est l’essentiel dans la vie, et comment nous nous préservons une voie pour le viser et pour progresser vers cet essentiel. On peut se crisper parce qu’on ne peut pas célébrer Noël comme d’habitude, comme on devrait toujours pouvoir le faire. L’essentiel est sans doute à découvrir dans la manière dont à cette heure -ci nous pouvons encore et toujours nous faire accueillants à la présence du Seigneur, pour écouter sa parole, pour nous savoir rassemblés en son nom et pas seulement parce que c’est jour de fête et qu’il faut alors faire la fête. Les textes nous rejoignent quand ils parlent d’une longue marche dans les ténèbres, dans l’incertitude, dans le ras-le-bol, mais la lumière peut encore resplendir. Grâce à quelqu’un. Sans doute que les prophéties visaient un guide pour le peuple d’Israël. Mais celui qu’à l’époque on attendait comme un leader politique, un chef qui remplirait les attentes du peuple s’est montré beaucoup plus que cela : un maître de sagesse, un guide pour mieux mettre notre joie dans le bien de tous, dans l’amour même quand il est service, quand il se risque à se dépenser pour les autres.

Apparaît dans cette nuit un enfant qui est le signe d’une ère nouvelle. Mais pas question de développer l’utopie d’un monde parfait. Plutôt laisser une lumière inonder nos cœurs. Jésus n’est plus là vous me direz, c’est juste un rappel de sa venue. Plus important : d’une autre manière, il est encore là. Quand nous nous reflétons les uns aux autres bien plus que la lumière des illuminations de fin d’année, quand c’est une vie selon l’Évangile qui peut rayonner, quand on est plus frères et sœurs, quand mieux que nous soumettre aux époques et aux conditions qu’elles nous réservent, nous cherchons avec cœur à mettre de la joie dans la vie de nos semblables, c’est Noël parce que Dieu vient habiter parmi nous, parce qu’il est bien parmi nos invités.