Voeux du doyen

Quand j’entends les mots « Meilleurs vœux » d’une personne que j’aime
C’est dans son cœur que je lis qu’elle me souhaite le meilleur.
Mais le mot « vœux » déjà imprimé sur une carte à envoyer
me fait me demander dans quel répertoire il a été repris

Car il y a des vœux que les jeunes filles en mal d’amour
font en jetant une pièce dans telle ou telle fontaine ;
Il y a des vœux qui interrogent le sort quand une étoile filante
pourrait annoncer je ne sais quelle prospérité.

Par notre baptême, nous sommes prophètes
et si comme prophètes nous faisons des vœux,
Ils seraient d’un style à dire l’espérance
plus qu’à conjurer la chance.
Et comme l’évangile, où Jésus réalise les promesses,
Ce serait cueillir aujourd’hui le bonheur
qu’on croyait encore attendre demain.

Jésus n’a pas souhaité le bonheur,
Mais il a dit, même et surtout aux pauvres :
Bienheureux, heureux êtes-vous !
Pour l’essentiel, celui qui cherche à mieux aimer sera comblé.

Cela me fait changer de collimateur
pour dire ce que je veux viser
avec les vœux que je vous présente.

Ce que je vise en ce début d’année,
c’est une richesse déjà offerte, déjà à partager :
Savoir que le Seigneur nous rassemble
Qu’il tisse entre nous une communion,
des liens que notre prière peut mieux recevoir
et faire s’exprimer dans notre vie.

Mes vœux en ce mois de janvier,
c’est aussi mon engagement à prier pour vous,
sûr que notre prière commune sera ferment de la vie
de la communauté que nous formerons.

Rendons grâce au Seigneur, déjà, de nous rassembler
dans une prière commune, louons-le
parce que son Esprit y travaille.
Encouragerons-nous ainsi à mieux accueillir le Seigneur,
à mieux entendre de lui la Bonne Nouvelle,
à mieux le laisser nous bénir par ses béatitudes,
à mieux en être les témoins les uns pour les autres.

2ème dimanche année B

Lectures du jour

Venez et vous verrez !
Voilà une des paroles de Jésus qu’on pourrait retenir de l’évangile d’aujourd’hui.
C’est une bonne nouvelle. Si, c’est un message important.
Mais, mais, il faut que je me bouge, je croyais que j’aurais appris quelque chose en écoutant.
Et puis, j’ai l’impression que je ne verrai rien du tout, voir où en fait ?  Ah, je perçois que les disciples me mettent déjà en route. Avec eux, je me demande : Mais, Jésus, où demeures-tu ? On me dit si souvent « Jésus est présent » Où, comment, pourquoi, comment on peut le savoir, le deviner, le sentir ? Dites-moi…

C’est déjà tout un chemin de dire, de tout son être, de tout son cœur : « Jésus, mon maître et mon Seigneur, où demeures-tu ? » Nous voilà un peu comme le jeune Samuel. Il croyait entendre la voix du prêtre Eli alors que c’ était Dieu qui l’appelait. La voix ne doit pas être la même, c’est moins banal, c’est tout à fait autre chose, pour celui qui ne s’y attend pas, de s’entendre appeler par le Seigneur. Eli, plein de sagesse, lui conseillera de dire pour le mettre dans l’attitude de disponibilité qui convient : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. »

Nous revoilà, nous aussi, à avoir éveillé en nous comme une autre vie, en nous mettant dans la recherche du Seigneur, à le chercher, à lui demander, sûr qu’il nous entend :  « Maître, où demeures-tu ? »

Pensez-vous que ce soit une parenthèse dans notre vie de croire qu’il faut écouter le Seigneur ? Ce que nous partageons à propos d’un texte d’Évangile vous paraît-il une richesse à faire valoir dans la vie de tous les jours, dans les jours particuliers d’une crise comme celle que nous vivons, dans les jours particuliers où nous devons faire des choix importants ?

Oui, et à plus d’un titre. D’abord en nous demandant à qui nous donnerions le titre de « maître » : Peut-être à nous ? Mine de rien ! Oui, peut-être assez sûrs de nous, nous resterions enfermés dans nos certitudes, la question filtrerait ceux qui peuvent nous enrichir, qui peuvent élargir nos horizons. Et attention à tous ceux qui veulent avoir notre sympathie en nous faisant miroiter que nous sommes assez malins pour ne plus penser que par nous-mêmes : c’est un piège.

Nous donnerions ce titre de maître, sans le dire comme tel, à ce mélange d’opinion où ça et là, il y a quelqu’un de plus convainquant, un message qui passe mieux, une meilleure qualité de communication. Mais que dit-il ? Ce que nous avons envie d’entendre, ce qui nous fait plaisir, ou bien une interpellation qui nous fait sortir d’une vie qui ferait vite l’économie de certaines exigences ? 

Sortir de ces pièges, de ces illusions de facilité, voilà l’objet de cette question que nous voulons poser avec les disciples qui suivaient Jésus : « Où demeures-tu ? »

Posons la question à Jésus, posons-la lui aussi quand une personne, une situation semblent pouvoir nous faire progresser vers un plus, pouvoir nous faire atteindre ce qui serait comme un lieu source : source d’amour, source de paix, source de pardon, source de sagesse. Non pas une destination où nous ne bougerions plus. Car il s’agit là aussi d’être renouvelé pour vivre encore plus. L’Évangile abonde en verbes : croire, voir, venir, demeurer, aimer : des verbes, c’est-à-dire dire un agir, parler de ce que Dieu et l’Esprit peuvent faire en nous, faire saisir un lien avec la vie en plénitude que Dieu veut nous communiquer.

A propos du verbe « demeurer »Un peu vite, peut-être, on pourrait ressortir de notre mémoire une phrase comme : « Celui qui aime demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. » C’est extrait d’une épître de Jean. Très juste, mais avant de le dire, il faut en faire l’expérience. Il faut se lancer, aller au maître pour être celui-là qui l’a suivi sur le chemin de l’amour, qui est celui-là qui demeure ou qui essaie de plus en plus de demeurer dans l’amour.

Avant de le dire, il y a comme un sommeil qu’il faut quitter, à la manière du jeune Samuel pour faire de la mission confiée par le Seigneur, une priorité et une constante dans notre vie.

Oui, Jésus demeure certainement là où il y a de l’amour : prenons la peine pour comprendre : on trouvera Jésus si on se bouge pour les autres. Nous trouverons Jésus et il nous enrichira de son amour si nous osons dire que nous avons besoin de mieux aimer en nous laissant enseigner par sa sagesse. Ayons pour cela un désir constant de le rencontrer dans toutes ces attitudes où nous viserons à faire que notre prochain vive plus et mieux.                                                                            

Homélie Baptême du Christ

Jésus, en remontant des eaux, vit les cieux se déchirer, nous dit Marc.

L’image est impressionnante. Déchirer, c’est l’idée de quelque chose de fort, qui permet à quelque chose de caché de se montrer : c’est marquant. S’il s’agit des cieux, soyons en sûr, nul phénomène météorologique ici. Mais de quoi faire signe :  Dieu se manifeste.
Un message tout de suite décodé pour qui connaissait les paroles des prophètes. Un événement attendu en effet, par le peuple de Dieu qui y retrouvait la réponse à une parole d’Isaïe, interpellation adressée au Seigneur. Nous sommes ton peuple : « Ah, si tu déchirais les cieux et descendais ! »

Et bien Dieu est descendu. Jésus est venu sur terre pour nous accompagner sur nos routes terrestres. Les cieux se déchirent au jour de son baptême pour faire entendre la voix du Père. Il dit tout l’amour qu’il a mis en son Fils. Il nous le dévoile : c’est le Père lui-même qui nous présente Jésus.

Et ensuite…vous pourriez demander ce que cela change !

Prenons la lecture du prophète Isaïe d’abord, et relue en pensant au baptême de Jésus, cette venue dans le monde du Fils de Dieu nous parle. Isaïe annonce une richesse, une générosité. Vous tous qui avez soif, commençait par dire la prophétie. J’imagine l’eau que présente le Seigneur, des flots abondants. J’imagine en comparaison, les eaux du Jourdain : elles en sont encore une pâle figure. Une image pour parler de ce qui vient du cœur de Dieu, sa bonté. Mais avec Jésus on passe de l’image à la réalité de cet amour qui se dira en actes.

Sans qu’on ne le mérite, sans qu’on ne doive rien payer, venez manger et boire. Celui qui reconnaît qui est Jésus retrouve cette bonté en lui : elle se réalise en lui. Ce texte d’Isaïe dit la richesse de ce qui vient de Dieu, avec l’image de la nourriture, de ce qui fait la joie et la force. Dieu nous fait comprendre la gratuité de l’amour. Pas d’offrande ou de sacrifice pour que Dieu soit favorable. Dieu se laisse trouver, il se montre dans sa bonté, il déchire les cieux pour nous le dire. Ce que cela change. Avouons combien nous sommes souvent entrain de calculer ce qu’il nous faut, ce que nous avons, ce dont nous devons disposer. Venez boire et manger sans rien dépenser, invite le prophète. Traduisons. La vie est un don, et il y a à redécouvrir toute la richesse de la relation avec celui qui nous la donne. Posons-nous la question de cette relation que la recevoir nourrit sans cesse. Se reconnaître enfant de Dieu est une manière d’accueillir davantage ce don, car c’est un amour qui invite à répondre en aimant.

Bien des phrases de la deuxième lecture demanderaient réflexion. Une de ces phrases fait miroiter un salut, une victoire mais il faut préciser. Celui qui croit en Jésus Christ est vainqueur du monde. Le monde ? Qu’est-ce à dire ? Si on imagine les premières communautés chrétiennes, on imagine l’empire romain, les contraintes d’une domination par un pouvoir qui n’entend rien à l’esprit religieux. Difficile dialogue avec ceux qui suivent la Torah des Juifs, d’abord, et encore plus difficile si on fait valoir la nouveauté radicale dont témoignent les disciples de Jésus : ils disent, chose incroyable, que leur maître est ressuscité. Que d’oppositions en perspective.

Et le monde pour nous ? Si on sent le contexte d’un combat, on en vient vite à mettre derrière ce mot de « monde » un système qui écrase, dans lequel on se sent comme un maillon obligé de suivre le mouvement maintenu par de multiples chaînes. Si on fait une critique de notre société, serions-nous vainqueurs par Jésus, vainqueurs de ce monde-là, critiquable, en crise aussi, qui montre souvent ses limites ? Nous serions dans l’erreur, cependant, de nous croire suffisamment à l’extérieur de ce monde, pour nous penser sans connivence avec ce monde-là. Ce serait trompeur de penser que la victoire de Jésus est simplement la victoire de se savoir bon par rapport aux autres qui ne le connaissent pas et qui alimentent et font perdurer un système injuste.

La foi est une attitude critique. La victoire de Jésus est une victoire qu’il mène en nous, par rapport à ce que des tendances injustes présentes dans les affaires humaines, peuvent avoir de contraire à nos aspirations les plus profondes. Notre Baptême, pour porter tous ces fruits, demande encore de s’en remettre au Seigneur, de le chercher, sûr qu’il se laisse trouver pour nous aider à vaincre en nous et autour de nous ce qui s’oppose à l’amour.

On ne peut pas dire « j’ai vaincu le monde » parce que l’on croit, comme si croire n’était qu’une idée. Repensons à cette image : « les cieux se déchirent. » Sans doute pour nous rappeler que les pensées de Dieu ne sont pas celles des hommes mais qu’elles se dévoilent, qu’elles se font connaître. Plus que seulement des pensées, en Jésus, qui est ce don du ciel venu dans la vie des hommes pour les soutenir dans les obstacles de leur vie terrestre, une force nouvelle se fait connaître. La foi, se laisser soutenir par cette force, est une manière d’être, c’est une liberté pour agir autrement, pour avoir un cœur plus entier tourné vers ce qui est juste et trouver la force dans cet engagement pour ce qui est bon.

En ce jour du Baptême du Christ, imaginons que le ciel continue à se déchirer, souvent, parce que Jésus est là quand nous rencontrons quelqu’un que le Père nous envoie comme notre prochain et que ce Père pour lui et nous l’éclaire de son amour pour lui, un amour qui engage le nôtre Oui, le Père nous montre son enfant quand c’est notre prochain qui se présente, quelqu’un dont nous oublions justement qu’il faut y être plus attentif. Il faut le reconnaître comme un enfant aimé du Père des cieux, il faut sans doute aussi en être le témoin pour lui. Ainsi, répondons au Seigneur qui se laisse trouver dans l’amour partagé où il nous appelle et nous rejoint.