Quelques impressions de lecture.
Je commence à faire ce petit « compte-rendu » en me demandant si ce que je vais dire, parce que je l’ai retenu comme important de ma lecture du Royaume caché, dira assez comment le livre m’a touché, m’a nourri spirituellement. Le Royaume caché n’est pas un livre à propos duquel je me permettrais de dire qu’il y a telle ou telle chose plus importante. C’est tout simplement un ouvrage qui a une grande valeur pour bien dire des choses essentielles et qui fait entrer dans un chemin avec Jésus pour que ce soit lui qui nous parle au cœur. Sans cesse, l’auteur revient sur la manière dont Jésus s’adresse à la foule, aux disciples. Mais bien sûr, c’est pour nous dire qu’il nous parle encore, et qu’à bien comprendre comment il parlait, ceux qui le cherchent apprendront ici comment aussi mieux l’écouter.
On ne peut cacher la sensibilité d’Éloi Leclerc à faire découvrir le Seigneur venu rejoindre par sa Croix toute la souffrance de l’humanité. Son témoignage des camps de concentration nous impressionne. Qui dit souffrance dit ce qui se passe non pas au grand jour, mais ceux qui sont oubliés ou toute la douleur qu’on voudrait cacher. Son livre est comme un appel pour oser de cette audace qu’on appelle la foi. Oui, vis-à-vis de Dieu ou de qui on croit parfois être Dieu, il faut de l’audace, mais le visage de Jésus montré ici nous fait du bien, pour mieux découvrir de nous ce qui doit l’être pour que ce soit guéri. Jésus est ce don d’un amour offert là où il manquait le plus cruellement. Et cela concerne même les endroits où tous se sont demandé ce qu’il fallait penser du silence d’un Dieu tout-puissant.
Éloi Leclerc nous met sur le chemin de l’Évangile pour nous le faire découvrir, en nous dévoilant ce qui est caché de ce Royaume qu’avec les gens de l’époque, sans doute, nous aurions attendu autre.
Jésus nous parle de son Père. Mais d’abord en lui se dit Dieu qui va rejoindre la souffrance. Il nous dit au mieux le message de miséricorde, et par là, une rupture d’avec un judaïsme prenant de plus en plus la loi comme une mesure de la justice. Cette rupture qui va provoquer la tension avec les responsables religieux, je ne la prends pas en simple spectateur. Elle interpelle aussi ce qui, en moi, rejoint les représentants de cette justice où l’on ne pouvait s’approcher de Dieu qu’à hauteur de ce qu’on avait fait valoir de sa propre justice. Le message des prophètes allait déjà très loin et Jésus va s’inscrire dans cette voie. Loin des rites formels mais en rappelant qu’avec foi, on peut aller de tout son cœur vers son prochain, jusqu’à refuser qu’il y ait des ennemis, dans le projet d’une fraternité sans frontières.
Éloi Leclerc fait chanter les béatitudes pour dire le bonheur des petits, des pauvres que le Seigneur a rejoints. Le bonheur n’est pas dans la récompense , ce qui fait devenir enfant de Dieu est pure gratuité mais on imagine difficilement tout ce que cela peut révolutionner dans la vie. Comme oser s’approcher du Seigneur en devinant qu’il est tendresse infinie et non pas celui qui guettait nos faux pas. S’il veille sur nous, c’est pour nous relever dès qu’il le peut, comme un père qui n’aime pas voir son enfant tomber. Jésus nous le fait découvrir et son enseignement sur la prière est à ce titre tellement parlant !
Il faut redonner au mot « Abba » (un peu comme nos « papa »), dit ce qu’il peut dire de confiance d’un petit enfant pour son papa, de cette assurance naturelle, élan du cœur et franchise pleine d’affection. De quoi bouleverser les systèmes religieux que les hommes mettent en place comme s’ils devaient toujours se sentir obliger de prendre les choses en main. Mais cela laisse alors peu de place au visage que Dieu voudrait laisser deviner de lui-même. Le Royaume caché, qui commence avec Jésus, il s’annonce avec tous ceux qui demandent avec Jésus, dans les mots de la prière « que ton Règne vienne » , il se fait proche de ceux qui l’appellent de ce nom plein de tendresse, « Abba ». Le Royaume caché grandit à travers tous ceux qui parient sur la Providence, non pas reléguer à Dieu d’arranger nos besoins terrestres, mais grandir dans la liberté que donne le désir de toujours davantage vivre de Dieu, vivre comme ses enfants bien aimés à l’image de cette confiance filiale que vivait Jésus.
Le livre montre le basculement qui se passe dans la vie de Jésus quand l’opposition grandit, quand il découvre où le conduira sa mission s’il y reste fidèle. Et on rejoint alors le sens de la passion et le sens de la résurrection qui lui est intimement associé. Parce que l’amour de Dieu qui est éternel est bien celui qui s’est montré sur la Croix. C’est l’audace inouïe de la révélation chrétienne de faire basculer les scénarios humains de justice et de réussite. Dieu nous fait comprendre aussi comment le chemin de la vie éternelle est dans la manière de le reconnaître parmi les plus petits et les plus mal en point. Il ne s’agit pas de compter les bons points, mais de reconnaître que la relation avec Dieu mène là. Comme les prophètes, Jésus fait comprendre que « c’est dans l’attention bienveillante à son prochain que l’homme rencontre Dieu », et sa résurrection dit à jamais que c’est dans l’amour extrême qui l’a conduit à la croix que Dieu rejoint vraiment les hommes qui se croient abandonnés de lui.
Tout cela, je ne l’ai pas seulement retenu, pour avoir décidé de ne pas l’oublier. Il y a plus.
J’ai envie que cela passe de ma mémoire à ce que la prière peut en faire dans l’action de grâce.
Déjà dans une nouvelle manière de prier le » Notre Père » avec l’importance de ce nom par lequel je m’adresse à ce Père aimant à la folie, avec l’importance de cette recherche et de ce désir de son règne, à comprendre comme Jésus l’a enseigné, avec la providence en témoin de la présence de Dieu et de sa grande miséricorde. Ce livre m’a fait découvrir Jésus plus proche, toujours plus proche par l’inouï de sa résurrection. Le temps qu’il m’a fallu pour lire ces pages, je le vois comme une semence qui fera fleurir en moi des jours et des années d’une plus grande proximité à Jésus.
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